Première partie : pour commencer, je reprends une lettre de Gabriel Combris qui résume assez bien les choses :
https://www.directe-sante.com/levothyrox-dormir-debout/
NB : on trouve sur ce site de nombreux commentaires édifiants de lecteurs et lectrices.
Chère lectrice, cher lecteur,
Au moment de rédiger cette lettre sur le Lévothyrox, j’avoue que j’hésite un peu sur la façon de prendre l’affaire : l’angle médical ? Celui du polar pharmaceutique ? Ou de l’histoire, triste et répétée, de l’incurie des autorités sanitaires ? Tout cela à la fois ?
En tout cas, je crois que le plus significatif aujourd’hui, à propos des malades de la thyroïde, c’est l’impasse dans laquelle on les abandonne.
Trois millions de personnes à qui le laboratoire allemand Merck, avec l’aval des autorités, a imposé en 2017 une nouvelle formule du Lévothyrox, provoquant un raz-de-marée d’effets secondaires insupportables.
Un changement qui ne change… Rien !
En apparence, ce n’était pourtant « pas grand-chose » :
Le principe actif restait le même (lévothyroxine).
Seul l’excipient d’origine, le lactose, a été remplacé par un autre excipient, le mannitol.
Officiellement pour « garantir une stabilité plus importante de la teneur en substance active tout le long de la durée de conservation du médicament (car il pouvait y avoir des différences de teneur en lévothyroxine d’un lot à un autre ou au cours du temps pour un même lot) », selon l’Agence du Médicament.
« Ces modifications, ajoutait l’Agence, ne devaient rien changer à l’efficacité ni au profil de tolérance du médicament »
Un changement qui ne change rien, donc.
Mais alors… les 31 000 malades qui ont déposé plainte dans les mois qui suivirent [1], évoquant des effets secondaires littéralement invivables (fatigue extrême, dépression, prise de poids, perte de cheveux, insomnie, etc.) ??
Mais alors… les 500 000 à 1 million de malades obligés d’arrêter la nouvelle formule en catastrophe [2] ??
Tous ces gens ont-ils rêvé ? Sont-ils de mauvaise foi ? Ou a-t-on « oublié » de leur dire deux ou trois choses importantes au sujet de cette nouvelle formule ?
Interrogée sur le sujet, la ministre de la Santé, Madame Agnès Buzyn a pour sa part, doctement tranché la question : « Il n’y a pas de scandale » [3].
Pas de scandale ? C’est ce qu’a confirmé la justice [4], qui a débouté en mars 2019 un premier groupe de plus de 4 000 malades de leur plainte contre le laboratoire Merck pour « défaut d’information » au sujet du nouveau médicament.
Pas de scandale, vraiment ?
Parce que lorsqu’on creuse un peu, ça y ressemble tout de même pas mal…
Ils vivent en théorie, parce qu’en théorie, tout se passe bien…
D’abord parce qu’il est scandaleux de balayer la souffrance des malades comme si elle ne comptait pas.
Il suffit de deux clics sur l'internet pour découvrir des centaines de témoignages de personnes dont la vie a littéralement basculé avec la nouvelle formule du Levothyrox[5] :
« J’ai complètement perdu le sommeil et j’ai grossi de 6 kg depuis août… je me sens très mal, dépressive, je vous supplie de m’aider !!! » H.
« Je suis tombée dans une énorme dépression qui se traduisait par des douleurs physiques, juste après le changement de formule ». F.
« Je me réveillais les cheveux mouillés de sueur, les pieds et les mains engourdis, des bouffées de stress qui remontaient par l’estomac, et, de façon permanente, des fourmis dans le bas des jambes. Louise.
« J’ai fait des crises de panique dans la rue. J’avais des nausées la nourriture me dégoûtait. Mon médecin m’a aussitôt prescrit l’ancienne formule (Euthyrox), vite introuvable dans les pharmacies » Dominique S.
La formule avait changé…c’était soi-disant « seulement l’emballage » m’a dit la pharmacienne.
Résultat : des insomnies, maux de tête la nuit, palpitations, crampes. Une fatigue immense qui a fait qu’un jour, je me suis endormie au volant à 1 km de chez moi. Agnès
Etc.
Le 3 septembre 2018, la mission Kierzek-Leo sur « l’amélioration de l’information des usagers et des professionnels de santé sur le médicament » a présenté son rapport public[6]. Les rédacteurs y utilisent des termes polis, certes, pour désigner l’indifférence des autorités médicales et des pouvoirs publics au ressenti des malades.
Mais le constat est bien là !
Les têtes pensantes de notre système de santé se « moquent » de la vie réelle des malades, de leur souffrance éventuelle, c’est écrit NOIR SUR BLANC :
« Le primat, dans l’ensemble des dispositifs informationnels, de la rationalité scientifique et de l’expertise a peu intégré la richesse spécifique de l’information ascendante (qui vient des malades, NDLR). »
« Ce faisant, les autorités sanitaires se privent d’informations de « vie réelle » pourtant cruciales et utiles à l’évaluation des médicaments »
Vous connaissez l’adage : « un jour j’irai vivre en théorie, parce qu’en théorie, tout se passe bien… ».
Et bien puisqu’en théorie « tout roule », nos autorités médicales préfèrent éviter de se confronter au réel.
Seulement quand on creuse encore, on découvre « qu’en théorie » aussi, il se passe de drôles de choses…
Un curieux petit « miracle »
La journaliste d’investigation Aurore Gorius a évoqué une autre raison qui aurait conduit Merck à proposer un nouveau médicament, et cela n’a rien à voir avec un objectif sanitaire[7].
Il se trouve qu’au début des années 2010, le laboratoire cherche à se développer sur le marché asiatique et à implanter en Chine une gigantesque usine ultramoderne pour y fabriquer ses médicaments vedettes… dont le Lévothyrox.
Problème : 90 % des asiatiques sont intolérants au lactose qui est son excipient principal. Commercialement, l’équation est simple : le Lévothyrox est invendable sur ce marché si l’on n’en retire pas le lactose.
Mais difficile de modifier, sans autre raison que commerciale, la formule d’un médicament ayant obtenu son AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) avec un certain excipient.
À moins d’y être « contraint » par les autorités sanitaires…
Et c’est là que se produit un petit « miracle » pour le laboratoire.
En 2012, l’Agence de Sécurité du Médicament demande au laboratoire de changer la formule de son médicament, devenue obsolète.
Un détail : la lettre est signée par le Pr Lechat…, un cardiologue qui a lui-même travaillé pour Merck par le passé – et qui est aujourd’hui visé par une plainte pour « trafic d’influence »…[8]
Pour Merck, c’est évidemment LA solution idéale : remplacer le lactose par du mannitol, dont les effets secondaires particulièrement délétères sont pourtant déjà connus de la communauté scientifique, et se lancer à l’assaut du marché asiatique.
Un témoin, qui a travaillé au lancement de la nouvelle formule, a expliqué les dessous réels de ce changement :
« La problématique clinique a été éludée »
« Le médicament a été développé sans lien avec le réel. La sécurité du produit n’a pas été vérifiée sur les patients » [9].
Encore ce satané « réel »… Tellement imprévisible qu’on préfère se passer de lui…
Ainsi, Merck n’a réalisé qu’une étude de bioéquivalence, qui mesure si l’absorption du produit est similaire entre l’ancienne et la nouvelle formule, sur des cobayes… en bonne santé. Et non sur des malades de la thyroïde !
Par ailleurs, aucune étude supplémentaire n’a été exigée non plus par l’Agence du médicament, en dépit d’un nombre de signalements d’effets secondaires record.
Faites vraiment connaissance avec votre thyroïde
Je vous disais au début de cette lettre que la principale raison de s’émouvoir dans ce « cirque » du Lévothyrox, était le cul-de-sac dans lequel on abandonnait les malades.
Aujourd’hui ils risquent d’être confrontés à un choix impossible : prendre un médicament avec des effets secondaires potentiellement très lourds, ou… rien.
Mais c’est une vision tronquée de la réalité, là encore.
Est-ce qu’on entend parler des solutions naturelles à proposer en première intention aux personnes dont la thyroïde commence à montrer des signes de dérèglement ?
Jamais.
Derrière l’affaire du Lévothyrox, c’est une remise en cause profonde de la manière dont les médecins « travaillent » leur patient qui doit être envisagée.
Pour le comprendre, il faut faire un peux mieux connaissance avec la thyroïde, une glande en forme de petit nœud située à la base du cou.
Je me sers, pour en faire le portrait, du travail de référence publié par le Dr Jean-Charles Gimbert dans la revue Révolution Santé :
La thyroïde pèse à peine 30 grammes mais joue un rôle essentiel dans le fonctionnement de notre organisme. Les hormones qu’elle produit participent à la régulation de nombreuses activités du corps : rythme cardiaque, digestion, humeur, sommeil, libido :
« La thyroïde fabrique les hormones thyroïdiennes : les T4 (thyroxine) et les T3 (tri-iodothyronine). »
« Si on s’y intéresse de plus près, on constate que la thyroïde sécrète à 90% de la T4 et peu de T3. Or, la T4 a besoin d’être transformée en T3 pour jouer son rôle dans le métabolisme. »
Mais…c’est bizarre, docteur ?! Pourquoi fabriquer un gros stock de T4 inactive et pas directement de la T3 ?
« Parce que, quand le corps a un besoin immédiat d’hormone thyroïdienne, par exemple quand on sort de chez soi en hiver et qu’on ne veut pas mourir d’hypothermie, il est beaucoup plus rapide d’activer la T4 en T3 que de faire fabriquer de la T3 prête à l’action. »
Et c’est principalement au niveau de notre foie, mais également dans d’autres organes (cœur, muscles, cerveau, etc.), que se fait cette transformation grâce à l’enzyme « déiodinase ».
Vous allez maintenant comprendre quelque chose d’absolument essentiel :
Cette opération de transformation est IMPOSSIBLE en l’absence d’une quantité suffisante de microcronutriments – comme le sélénium, le zinc, certaines vitamines et antioxydants etc.
D’autres facteurs peuvent aussi limiter cette transformation : le stress, les traitements à base d’œstrogènes, l’obésité, les problèmes hépatiques, l’excès de café ou d’alcool, le tabac, certains médicaments (bétabloquants, amiodarone, lithium) ou les toxiques (métaux lourds, pesticides, PCB, etc.).
De plus, 20 % des hormones T4 deviennent actives dans notre intestin, ce qui impose qu’il soit en bonne santé et la flore intestinale de qualité.
Là encore, on comprend qu’il est indispensable pour réguler sa thyroïde, d’adopter une approche GLOBALE de santé.
Encore ce maudit… Réel !
Si l’on se contente d’avaler son Lévothyrox – qui n’est qu’une imitation chimique de la T4 – sans prendre garde aux facteurs indispensables à son activation, l’efficacité du traitement sera également réduite !
C’est ainsi que l’on se retrouve avec une santé « dans les choux » alors que les dosages hormonaux sont, eux, « dans les clous », comme le dit le Dr Gimbert !
Comment cela est-il possible ?
Eh bien parce que, depuis des décennies, bon nombre de médecins traitent des résultats biologiques et occultent les signes cliniques !
Le réel, là encore, est occulté…
« Pour comprendre cette aberration, il faut savoir que le taux sanguin des hormones thyroïdiennes est analysé en permanence par notre cerveau, et plus exactement par une toute petite glande de la taille d’une noisette, l’hypophyse ».
« Celle-ci dispose d’une pédale d’accélérateur appelée TSH, qui incite la thyroïde à fabriquer plus de T4 et de T3 lorsque leur taux diminue ».
« En temps normal, le taux de TSH se situe entre 0,4 et 4 mUI/L. En cas de pathologie, la TSH variera en sens inverse des hormones thyroïdiennes. »
Sur cette base, les médecins se contentent de doser la TSH. Le recueil des symptômes à l’interrogatoire et des signes à l’examen clinique est ainsi complètement passé à la trappe, alors qu’ils sont parfaitement identifiables :
- « L’hyperthyroïdie exacerbe le métabolisme de base et le fonctionnement du système végétatif, correspondant au « Yang » de la médecine chinoise : bouffées de chaleur, nervosité, amaigrissement, tachycardie, accélération du transit intestinal, tremblements », …
- « L’hypothyroïdie évoque plutôt le « Yin » et va ralentir sensiblement l’organisme : frilosité, fatigue, œdème diffus, chute de cheveux, ongles cassants, peau sèche, constipation, état dépressif, … Et la célèbre « perte de la queue du sourcil » si caractéristique ! »
Ainsi conclut le Dr Gimbert, « c’est uniquement en présence d’au moins l’un de ces signes cliniques que l’on devrait s’autoriser à demander un bilan hormonal sanguin ».
« Et encore, comme la T4 est rarement demandée, et la T3 quasiment jamais, on se contente le plus souvent de la seule TSH pour dépister des pathologies souvent inexistantes, imposer des thérapeutiques en général définitives et décréter leur efficacité sans tenir compte du ressenti des patients. »
En changeant d’approche, on pourrait éviter de traiter des dizaines de milliers de personnes sur de simples anomalies biologiques, et les condamner à perpétuité à suivre un traitement médicamenteux alors qu’un simple rééquilibrage alimentaire pourrait suffire à régler la situation !
Mais vous l’avez compris, cela requiert une démarche subtile, empreinte de dialogue et de respect, qui intègre et embarque le patient sur le chemin de son mieux-être.
Et alors, tout peut vraiment changer.
Santé !
Gabriel Combris